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Publié par Saoudi Abdelaziz

Environ 250 000 travailleuses étrangères sont employées dans des familles libanaises sans qu'un cadre légal ne réglemente leur emploi. Depuis janvier, un nouveau syndicat se bat pour leurs droits : une première dans le monde arabe.

Au Liban, les employées de maison veulent acquérir une protection légale

Une enquête de Marie Kostrz, correspondante de Mediapart à Beyrouth

26 avril 2015

 EXTRAITS

(...) Créé le 25 janvier 2015 à Beyrouth, il vise à améliorer les conditions de vie et de travail des 250 000 femmes embauchées par des foyers libanais. C'est une première dans le monde arabe, où 30 millions de migrants vivent et travaillent sans aucun cadre légal. Comme dans le reste de la région, faire appel à des employées de maison étrangères est une mode qui se perpétue depuis plus de vingt ans au Liban. « Avoir une domestique n'est pas un phénomène nouveau, mais à la base il s'agissait de filles libanaises de milieu rural qui étaient placées parfois jusqu'au mariage, parfois toute leur vie, dans des familles bourgeoises citadines », explique Charbel Nahas, ancien ministre du travail libanais. Peu avant la guerre civile qui éclate en 1975, l'exode rural met un coup d'arrêt à cette pratique. Les domestiques viennent alors de Syrie, jusqu'à ce que le conflit les décourage de venir au Liban. « À la fin de la guerre en 1990, on observe le même mouvement que dans les pays du Golfe, qui importent massivement de la main-d'œuvre asiatique depuis les années 1980 », poursuit Charbel Nahas. Touchant des domestiques sri lankaises d'abord, le phénomène s'étend à d'autres pays asiatiques et africains. Aujourd'hui, selon les chiffres du ministère du travail libanais, la plupart sont éthiopiennes et bangladaises. 

Leurs conditions de travail, elles, ne varient pas en fonction de leur nationalité : elles sont souvent proches de l'esclavage. « Les plaintes les plus fréquentes documentées par les ambassades des pays fournisseurs de main-d’œuvre et par les organisations non gouvernementales comprennent les mauvais traitements par les agents recruteurs, le non-paiement ou le paiement en retard du salaire, la séquestration sur le lieu de travail, le refus d'accorder du temps libre à la personne employée, le travail forcé et les violences verbales et physiques », résume Human Rights Watch (HRW) dans un communiqué publié en mars 2015. Hors les études menées par les organisations de défense des droits de l'homme, quasiment aucune recherche n'a été accomplie par des instituts ou universités libanaises. « Il n'y a pas de prise de conscience de la société », explique Kamal Hamdan, directeur de l'Institut de consultation et de recherche, à Beyrouth. Ce centre vient de finaliser une étude qui sera publiée en mai par l'Organisation internationale du travail (OIT). « Les chiffres donnés par la direction générale des statistiques ne sont pas fiables et c'est dur d'avoir un aperçu exhaustif car ces femmes ne parlent pas librement chez leur employeur, et c'est difficile de les rencontrer ailleurs. »

Une chose est sûre, les scandales d'employées domestiques frappées en public ou poussées au suicide ne manquent pas au Liban. « Dans notre enquête, la violence et les sévices sexuels ne sont pourtant pas si répandus, même s'ils existent », dit Kamal Hamdan. D'après un rapport publié par HRW en 2010, le principal abus reste les salaires impayés, lequel concerne 75 % des Philippines et 60 % des Sri Lankaises. La rémunération est extrêmement basse. Selon une étude menée par l'ONG libanaise Kafa en 2011, les Sri-Lankaises sont payées en moyenne 180 $ par mois, les Éthiopiennes entre 150 et 200 $ et les Philippines entre 200 et 250 $. Le ministère du travail libanais déclare ne pas avoir de chiffres à ce propos. La mise en place d'un salaire minimum est d'ailleurs l'une des principales revendications du nouveau syndicat. 

Un des autres chevaux de bataille du syndicat est l'annulation du « Kafala ». Ce système de sponsor, qui n'est pas inscrit dans la loi, place les travailleuses domestiques sous la dépendance totale et la responsabilité juridique de l'employeur : si elles quittent le domicile où elles sont employées, elles se trouvent automatiquement en situation illégale et peuvent être expulsées. Dans ce contexte, les employées n'ont d'autre choix que d'accepter les conditions qui leur sont imposées. C'est le cas d'Aïna, qui n'a toujours pas de jour de congé hebdomadaire régulier : « D'après le contrat que j'ai signé, je suis censée avoir 24 heures de pause chaque semaine mais mon employeur invite souvent des amis le dimanche, je n'ai donc pas de vrai jour de repos. » 

Le vide légal entourant les employés domestiques au Liban rend leur exploitation très facile. L'article 7 du code du travail les exclut en effet de cet ensemble de loi. « Ils sont seulement sous le code des contrats et des obligations, qui ne les protège pas autant car il n'y a aucun article concernant le salaire, les heures de travail ou le licenciement abusif », explique Abdelsalam Cheaib, avocat et professeur de droit du travail. (...)

Face à tous ces obstacles, les membres du nouveau syndicat restent confiants. Chaque dimanche, une centaine de femmes se réunissent dans les locaux de la Fenasol pour préparer le défilé du 1er mai. Devant une assemblée cosmopolite, les leaders de communauté traduisent chacune leur tour, dans leur langue, les dernières décisions prises par le comité exécutif du syndicat. Le but de la manifestation est de gagner en visibilité, aussi bien aux yeux du ministre que de la société libanaise. « On est environ 350 membres aujourd'hui, l'objectif est qu'on soit 700 à la fin de l'année », affirme Gemma Justo. « Plus nous sommes nombreuses, plus nous serons fortes pour obtenir nos droits. » En 2013, en Afrique du Sud, où les employées de maison sont aussi exclues du droit du travail, le syndicat national des travailleurs domestiques a obtenu la ratification de la convention 189 de l'OIT sur le travail décent des travailleurs domestiques. Un exemple qui donne de l'espoir aux employées de maison du Liban.

Source: Mediapart.fr

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D
Qu'en est-il en Afrique du nord ? En Algérie ? Le substrat culturel esclavagiste des sociétés islamiques, pérennisé par le mépris dans nos pays en général, des droits de la personne, doit bien produire chez nous des situations assez similaires, en dépit de l'arsenal législatif respectable mis en place par l'Algérie.
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