17 Mars 2012
Le Nouvel Observateur du 1er mars 2012 publie un extrait d’un document inédit qui permettra, espérons-le, d’établir dans quelles conditions, le jeune mathématicien Maurice Audin a “disparu” à Alger il y a près de 55 ans. D’après la thèse officielle, il se serait évadé, mais l’opinion générale est qu’il est mort dans les mains de militaires, après avoir été arrêté par des parachutistes le 11 juin 1957 pour être conduit au centre d’interrogatoire d’El-Biar. Depuis lors, Maurice Audin avait disparu, et sa femme, Josette, n’a pu obtenir de réponse à ses questions.
Au cours de ses recherches, Nathalie Funès, qui publie ces jours-ci un ouvrage sur Le camp de Lodi, a mis à jour un document inconnu jusqu’à présent : un texte écrit de la main du colonel Yves Godard, ancien commandant de la zone Alger-Sahel, aujourd’hui décédé. Ce texte inédit, conservé avec les archives que Godard a déposé à l’université Stanford, en Californie, est le premier document signé par un officier de l’armée française qui confirme l’exécution du jeune mathématicien algérois par un militaire.
« Je suis prêt, à ce sujet, à répondre à toutes les questions qu’on voudra bien me poser, un jour, et je suis sûr que Massu n’en posera aucune. J’ai moi-même affirmé à Guillaumat [ministre de la Défense, ndlr], en décembre 1959, que Charbonnier n’était pas le meurtrier d’Audin. C’est vrai. Mais, quand on sait, comme moi et comme Massu, qu’Audin a été victime d’une "erreur" d’identité, confusion avec Alleg, l’agent d’exécution étant [...], il est permis de suspecter la bonne foi d’un officier général, actuellement commandant supérieur des troupes d’occupation en Allemagne, témoignant sous serment. »
Le colonel Godard écrit probablement ces lignes au début des années 1970. Il vit alors à Lessines, en Belgique. Ancien résistant dans le maquis des Glières en Savoie, grand officier diplômé de Saint-Cyr et couvert de médailles, il a été commandant de la zone Alger-Sahel en 1957, pendant la bataille d’Alger, avant de rejoindre les militaires putschistes en 1961 puis l’OAS. Exilé, condamné à mort, puis gracié en 1968 comme les autres « ultras » de l’Algérie française, il publie le premier tome des Trois Batailles d’Alger chez Fayard en 1972, trois ans avant sa mort. Ces notes étaient sans doute destinées au deuxième volume, jamais sorti. Elles sont conservées avec tous ses documents personnels, parmi les archives de la Hoover Institution, à l’Université Stanford, en Californie.
Extrait de «
Révélations sur l’affaire Audin »,
dossier de Nathalie Funès
publié dans l’édition du 1er mars 2012 du
Nouvel Observateur (pages 10 à 14)
Josette Audin a écrit à Nicolas Sarkozy, après son élection à l’Elysée, en juin 2007 : « Vous qui invoquez fréquemment l’honneur de la France, ne la laissez pas, pour un temps encore, se déshonorer en cautionnant la dissimulation honteuse de cette mort. » Le président ne lui a pas répondu.
Un nouveau courrier vient de lui être adressé à l’initiative de l’Association Maurice-Audin, qui a succédé au Comité Audin. Il est signé de Benjamin Stora et de Mohammed Harbi. Les deux historiens spécialistes du conflit réclament « la levée du secret défense sur tous les documents relatifs à l’affaire » pour « rétablir la vérité historique sur un événement marquant de la guerre d’Algérie [1] ».
Lien LDH-Toulon. Section de Toulon de la Ligue des droits de l’homme