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Le blog de algerie-infos

"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve" Djalāl ad-Dīn Rūmī (1207-1273)

"La Tunisie se libanise"?

"Le Républicide", c'est ainsi que le sagace Seif Souidani titre sa Polit-Revue d'hier sur Nawaat.org. Dans la dernière partie de ce tour d'horizon de l'actualité, il analyse les différentes hypothèses sur le mobile de l'assassinat de Mohamed Brahmi.

 

 

 

 

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Le parti de Brahmi est un minuscule parti sans menace pour le pouvoir en place. Son meurtre ne saurait être soumis aux critères classiques des assassinats politiques, consistant typiquement à se débarrasser d’un rival direct ou gênant.

 

La première hypothèse incrimine des électrons libres djihadistes “idéalistes” qui ont plusieurs contentieux avec ce que représentait Brahmi : élu d’une entité qu’ils ne reconnaissent pas, en compétition avec eux sur le terrain de l’”arabité” (synonyme d’islamisme pour eux VS nationalisme nassérien pour lui). C’est la thèse réitérée lors de la peu convaincante conférence de presse du ministère de l’Intérieur, 24 heures après le meurtre.

 

Une sous-hypothèse de cette première thèse reste l’implication de l’aile dure incontrôlable à droite d’Ennahdha qui peut via ses liens avec le djihadisme agir de façon « islamo-révolutionnaire », contre l’avis du leadership du parti.

Deux remarques cependant : historiquement, le machiavélisme n’a jamais été le propre des mouvements salafistes. En revanche, ils ont un long passif de manipulés. Par ailleurs il n’y a toujours pas de revendication. Cela aussi est inhabituel pour ces mouvements.

 

La deuxième hypothèse est au moins aussi probable que la première. Le scénario égyptien vient la renforcer depuis peu (celui de l’armée défendant aussi des intérêts économiques). En Tunisie les grands capitaux qui se savent les perdants d’une étape post révolution ont jusqu’ici été discrets, mais possèdent une capacité de nuisance qu’ils ont pu activer.

 

Les sous-hypothèses de cette 2ème probabilité sont nombreuses : puissances étrangères (axe anti Qatar, royaume wahhabite), ancien régime revanchard, etc. S’ils sont les commanditaires, ils peuvent avoir utilisé les mêmes exécutants dont Boubaker Hakim.

Au chapitre des réactions politiques, les premières réponses n’ont pas tardé. Cette fois elles se traduisent en actes immédiats. Le Front Populaire appelle à la désobéissance civile générale, sorte de prolongement de la grève générale du 26 juillet.

Ahmed Néjib Chabbi, un temps tenté par un soutien au gouvernement et aux institutions défaillantes mais élues, lâche prise. Khémaies Ksila appelle dès jeudi à paralyser l’ANC « de façon effective ».

Première conséquence marquante de la crise : le 27 juillet l’extrême gauche s’assoit autour de la même table que Béji Caïd Essebsi. Une première, même si au siège de Nidaa aux Berges du Lac, Zied Lakhdhar s’assoit face à l’octogénaire, probablement pour renvoyer une image d’égal à égal et non de mise sous commandement.

Est-ce l’opportunisme qui s’engouffre dans la brèche d’un gouvernement affaibli ? « C’est de bonne guerre » rétorqueront certains.

L’adhésion au projet de Constitution ne tenait qu’à un fil pour de nombreux blocs à l’Assemblée. Le péril de la vacuité institutionnelle ne semble plus effrayer les 70 élus qui ont à ce jour gelé leur activité à l’ANC.

La mesure reste cela dit de l’ordre du symbolique. Il n’y a en effet pas de « quorum des gels » qui puisse déboucher vers une dissolution de l’Assemblée.

Par ce geste, les plus radicaux dans leur démarche soutiennent le sit-in du « rahil » (le départ) qui ne fait que grossir depuis les funérailles nationales de Brahmi qui ont galvanisé les manifestants.

En réprimant de jour comme de nuit ces rassemblements du Bardo, conformément à une vision légaliste prônée également par Mohamed Abbou hors gouvernement, l’erreur du pouvoir est peut-être de priver ces manifestants légitimes de leur « droit à la colère » même pacifiste.

La banalisation de la violence ne se fait pas qu’à la télévision : un peu plus loin, chicha et jeux de cartes cohabitent avec les gaz lacrymogènes. Avec la banalisation de la violence politique, la Tunisie se libanise.


Nawaat.org

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